Voici le témoignage des parents de Jade :
J’ai toujours voulu être maman et
je me suis toujours imaginée chanter et raconter des histoires à
mes enfants car dans la famille la transmission orale occupe une
grande place. Cette transmission avait pour moi une place
prépondérante dans la relation maternelle que je m’imaginais.
Quand j’appris ma grossesse
j’étais littéralement sur un petit nuage. Enfin je concrétisais
un réel désir, avec mon mari que j’imaginais à juste titre un
père formidable. Ma grossesse ne se passa non sans petits heurts
mais rien qui ne pouvait laisser présager la suite.
Le travail commença un vendredi
soir et après un aller-retour à la maternité dans la nuit à 45 km
et s’entendre dire « ce n’est pas pour tout de suite,
rentrez chez vous » je passai le reste de la nuit à souffrir
dans mon salon, à faire du ballon, soutenue par mon mari et surtout
me disant intérieurement que je ne voulais plus y aller.
Au petit matin n’y tenant plus,
Gaël me traina de force à la maternité : « vous avez
bien travaillé on peut poser la péridurale tout de suite. »
OUF !!
Tout se déroulera normalement.
Arrivé prévue 16h. Mais à 17H toujours rien malgré un travail
terminé. Jade se présentait le nez vers le ciel. Son rythme
cardiaque supportait de moins en moins les contractions. Décision
fut prise de la retourner manuellement pour accélérer sa descente
(une version manuelle). Bref, on la retourne à la main dans mon
bassin. Un échec, aucun effet si ce n’est la douleur que cela
m’infligea et qui ne me quitta pas jusqu’à la fin. On
s’apercevra plus tard qu’à partir de là le cathéter de
péridurale n’était plus en place. Après 45 min d’efforts,
ventouse et forceps jade arriva en arrêt respiratoire. Elle reprit
très vite mais compte tenu de sa difficulté respiratoire et du fait
que l’on avait eu toutes les deux de la température elle fut
admise en urgence en réanimation néonatale pour être mise sous
respirateur. Quant à moi, je ne me suis pas rendu compte de grands
choses après son arrivée.
Au bout de 48H je récupérais mon
bébé dans ma chambre et nous resterons 8 jours hospitalisées.
Lors de ce séjour, Jade bénéficia
du dépistage auditif précoce qui à ce moment n’était pas encore
obligatoire mais été fait pour tous les nourrissons passés en
réanimation. 3 jours d’affilés une technicienne est venue mettre
ses capteurs. Elle branchait Jade et repartait ne disant rien à part
« à demain. » Sauf le 3e jour. Elle débrancha
ma fille et dit « bon, il n’y a rien ». Je compris la
phrase comme un tout va bien, et ne me voyant ne pas réagir, elle
rajouta. « Non mais il n’y a rien, elle n’entend rien, elle
est sourde. Vous serez convoquée en ORL dans 1 mois » Elle
ferma la porte.
J’étais sonnée. Pétrifiée. Je
n’avais rien compris. J’appelai en pleurs mon mari « vient
vite quelque chose ne va pas avec Jade ». La pédiatre entra
dans ma chambre, me parla d’IRM, d’examens, je ne comprenais
rien. Je pleurais. Je refusais tout. J’avais l’impression d’avoir
fait quelque chose de mal que quelque chose était de ma faute le
discours de la pédiatre était très culpabilisant.
On est rentré à la maison.
Tous les deux infirmiers mais avec
des parcours différents, Gaël lui connaissait le monde de la
surdité, il avait des amis sourds qui pratiquaient la LSF. Moi, tout
était inconnu et tout ce que j’arrivais à voir c’est que je ne
pouvais ni chanter ni raconter d’histoires à ma fille. Tous mes
repères s’écroulaient. Ce lien maternel tant attendu ne venait
pas. Je regardais ce petit être de loin en culpabilisant de toutes
mes forces et sans savoir communiquer avec. La rencontre ne se
faisait pas.
Lors du 1er RDV ORL à 1
mois le diagnostic tomba, « sourde profonde bilatérale ».
L’annonce fut plus posée, plus délicate, plus expliquée et nous
avons tout de suite été dirigé vers le SAFEP où Jade fit son
entrée à ses 6 mois.
Beaucoup de questions me
tourmentaient et me tourmentent encore mais nous avons eu une vraie
force, celle de nôtre couple, nôtre soutient mutuel et celui de
nôtre famille. Mon mari fut un pilier dans ma dépression du post
partum. Je le comprends aujourd’hui, mais il me fallut 9 mois de
dépression pour vivre comme un 2e accouchement psychique
de cet enfant réel si différent de celui imaginé et idéalisé des
9 mois de grossesse.
Aujourd’hui Jade est implantée.
Elle progresse à son rythme dans la langue orale et signe aussi.
Nous sommes encore en recherche de diagnostic car sa surdité ne
serait qu’un symptôme parmi d’autres d’un syndrome plus
complexe sûrement due à une anoxie cérébrale à la naissance (le
manque d’oxygène créant des lésions cérébrales).
Maintenant nous avançons tous
ensemble et avançons dans la vie au travers des yeux de Jade et nous
aimons ce que nous voyons. Elle remplit nos journées de bonheur et
de bêtises. Les épreuves nous ont renforcées nous aborderons les
suivantes comme le reste, une par une et tous ensemble, tous les 4 !
Céline et Gaël.
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